Sartre, l'âge des passions
Jean-Paul Sartre est mort il y a 25 ans. Pour lui rendre hommage (bénis soient les anniversaires, qui autorisent les retrouvailles !), France 2 lui consacre une fiction. Claude Goretta a réalisé deux épisodes de 90 minutes, diffusés la semaine prochaine, les 11 et 12 décembre à 20h50, avec Denis Podalydès (de la Comédie Française) dans le rôle principal.
L'idée est audacieuse. Mettre en images un homme de l'envergure littéraire, philosophique et politique de Sartre, son physique de séducteur hideux (la curiosité de son visage réinventé est immédiate), son aura tantôt étincelante, tantôt malmenée, d'intellectuel engagé : on a peine à imaginer la chose.
A la décharge de notre scepticisme, il faut rappeler que "Les amants du flore" (les jeunes années du couple Sartre-Beauvoir, version France 3) avait moins convaincu qu'amusé. N'est pas Sartre qui veut, même à la télé. Lorent Deutsch s'y est cassé le nez - il avait déjà du mal avec le fameux strabisme de son modèle...
Les Sartre se suivent et ne se ressemblent pas. Podalydès, voix grave, cheveux plaqués, oeil droit battant la campagne, est saisissant. Premier réflexe, on rit de le voir grimé en philosophe national. Mais il suffit d'oublier un instant Podalydès pour retrouver sous ses traits, un peu - et c'est déjà beaucoup - le visage bien connu. Clope au bec, gilet de laine et whisky à portée de main, rien n'est oublié de la petite mythologie sartrienne. A ses côtés, Anne Alvaro figure une Simone de Beauvoir confondante. Classe, beauté froide et cheveux enturbanés : le visuel est en place, on peut s'attaquer à la suite.
La suite, c'est un scénario bien fichu, prenant naissance en 1958. De Gaulle, FLN, action militante de Sartre, ses écrits monumentaux, ses amourettes. C'est aussi des bribes de pensée politique et philosophique, pas si courantes en praïme taïme à la télévision. Le travail sur ces films de spécialistes tels que Michel-Antoine Burnier ou Michel Contat offre, pour le téléspectateur averti, une garantie de sérieux. De fait, les dialogues ne sombrent jamais dans le pédantisme ou la bouffonerie. Sartre existe sur l'écran, d'une certaine manière. Autour de lui, une époque, où l'on s'extasie devant une télévision, où l'on se téléphone avec parcimonie et crève de l'envie d'être libre.
Comble de l'élégance, le pianiste Baptiste Trottignon (bien connu de "ceux qui aiment le jazz") signe l'accompagnement musicale.
Cette fiction ne prétend pas être une leçon au Collège de France, mais on peut y grapiller deux, trois idées. Ou mieux, y trouver l'envie d'en savoir plus. La réflexion naît de la curiosité, cultivons la !