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Cultures et confiture
11 décembre 2006

Etat de grâce

jeff_buckley_1_

On peut errer sur le net, à peu près comme dans la rue. Sans but, pour le simple plaisir de déambuler, de voir se suivre les paysages.
Dans la rue, on avance. Les vitrines défilent, les gens se croisent, un fragment du monde se joue sous nos yeux. Si bien qu'il est rare de rentrer chez soi sans avoir saisi au moins une scène remarquable : une phrase cueillie au vol, une beauté particulière, un malheur soupçonné.
Internet est comme la rue en bas de chez vous. Il peut vous conduire tout près (juste au coin, pour chercher un e-mail), mais parfois il vous emmène loin. Vraiment loin, à condition que vous preniez la rue en bas de chez vous, puis la suivante, le boulevard, jusqu'au périph' et ensuite... on ne sait plus très bien. Sauf qu'on a parcouru un sacré bout de chemin.

Il y a quelques minutes, j'étais sur un forum de discussion évoquant le dernier clip de la chanteuse Gwen Stefani ("Wind it up", qui sample une chanson du film La Mélodie du Bonheur - Lady Oh de Lady Oh de Looo). Ce clip est visible sur You Tube, le fameux mic mac moche (ou pas) de la toile.
Curieuse, je vais jeter un oeil. La chose faite - je n'y ai trouvé qu'un relatif intérêt - je me lance dans quelques recherches de hasard : Radiohead, Madeleine Peyroux, Florence Foresti (recherches de hasard, ai-je dit !).


Puis, l'envie me vient de consulter les archives sonores de Jeff Buckley. Plusieurs pages s'affichent, mais je suis tentée par l'écoute d'un morceau en particulier. Ce sera "Hallelujah", la fameuse reprise de Leonard Cohen. La petite fenêtre de You Tube s'éclaire et laisse place au chanteur.
Je connais Jeff Buckley, j'ai écouté en boucle
Grace, son premier et unique album. Je l'ai écouté sur le célèbre double-album, Live at Sin-é. Je sais sa magie vocale, ses accents de poète écorché, le petit air mutin qui ajoute à la beauté le charme de la lucidité. Jeff Buckley est mort jeune, à 31 ans, perdu dans les flots du Mississipi, en plein succès, en pleine promesse. Je le sais. Mais You Tube me balance le visage bien vivant d'un type que je n'avais jamais vu en mouvements.

On peut deviner la vie, la voir de ses propres yeux change tout. Jeff Buckley, avec sa guitare, son regard doux et sa voix d'anguille, c'est un petit miracle dont on ressent la bizarrerie. La chanson s'écoule, dans la salle de concert, silence total. Je comprends ces gens : devant mon petit écran d'ordinateur, j'en ai fait autant. En pensant qu'il était étrange, face à un moment enfui, face à un homme absent, face à un être désormais ailleurs, d'éprouver une si forte impression.

Si les images résistent, la magie n'a qu'un temps. A la fin du morceau, Buckley lève les yeux . Recueillement du public, encore un peu groggy par ce qu'il vient d'entendre, puis explosion de joies et d'applaudissements. You Tube réunit les souvenirs mais ne va pas plus loin : après 6 minutes et 25 secondes, la fenêtre s'est assombrie. Fini.

Watch again ?

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